Küppers et al. [2014] publient la détection localisée de vapeur d'eau émise depuis la surface de la planète naine (1) Cérès. La mission Dawn (NASA) devrait permettre en 2015 de savoir si le phénomène est la manifestation d'une sublimation de surface de type cométaire ou l'expression d'un cryovolcanisme impliquant un réservoir liquide en sous-sol.

Alors que continues les découvertes de l'exploration planétaire, notre vision de l'univers s'adapte et évolue. Je me souviens qu'à l'école primaire j'apprenais que notre système solaire était composé de 9 planètes, point barre (8 depuis la nouvelle classification de 2006). Aujourd'hui cette nomenclature me paraît bien naïve et étriquée. Et parmi le bestiaire d'objets qu'il faut rajouter à cette vision réduite pour lui donner un nouveau sens, on trouve les satellites et planètes naines glacées.

La planète naine (1) Cérès

Abusivement appelé "Cérès", le nom officiel est en réalité "(1) Cérès". Le préfixe (1) pouvant être incrémenté en cas de découverte d'autres objets similaires dans la ceinture principale d'astéroïde. Car Cérès orbite à l'intérieur d'un champ annulaire d'astéroïdes entre Mars et Jupiter à environ 2,7 unités astronomiques (soit 2,7 fois la distance Terre-Soleil). C'est d'ailleurs en raison de cette incapacité à faire le ménage sur son orbite, à cause d'une gravité trop faible, que le statut de "planète" lui est refusé. Pourtant, elle n'en est pas moins quasiment sphérique, avec un diamètre moyen de 934 km.

Vaporisation d'eau dans l'espace

D'après les observations depuis la Terre, sa surface paraît être recouverte d'un matériel fortement hydraté, probablement de la glace, mais sans en connaître précisément l'épaisseur, et donc le volume (simple dépôt superficiel ou croûte à l'échelle planétaire ?). Cette semaine, Un article publié dans Nature par Küppers et al. [2014] nous donne des éléments de réponses et pose de nouvelles questions par la détection d'un phénomène qui tend presque à devenir commun désormais: Des émissions de vapeur d'eau depuis la surface (~6 kg par secondes), observées dans l'infrarouge par le télescope spatial européen Herschel. Elles sont localisées au dessus de deux régions bien précises qui ont un faible albédo (Piazzi et région A, respectivement à 123° et 231° de longitude) et paraissent se produire de manière cyclique, bien que le nombre de détections soit encore insuffisant à en définir la fréquence.

Deux hypothèses pour un même phénomène

D'aucun se souvient d'une détection similaire récente autour d'Europe (lune de Jupiter) par le Hubble Space Telescope et qui faisait écho aux jets de vapeurs régulièrement observés autour d'Encélade (lune de Saturne) depuis quelques années par la sonde Cassini. Dans les deux cas, l'énergie à l'origine du phénomène provient des forces de marées engendrées par les interactions gravitationnelles d'avec leur planète hôte. Pour Cérès, orbitant à une certaine distance du Soleil, ces forces sont connues pour être insuffisantes à un tel mécanisme. Ce qui pose la question de l'origine de ces jets de vapeur d'eau.

Les auteurs en proposent deux. Tout d'abord, le caractère apparemment cyclique des quantités émises vont dans le sens d'une érosion de type cométaire. Dans ce modèle, à l'identique des comètes lorsqu'elles s'approchent trop prés du Soleil, la glace en surface est vaporisée par le vent solaire, ce qui pourrait se produire quand Cérès est au périgée de son orbite légèrement elliptique. Seconde hypothèse, l'énergie nécessaire à la vaporisation provient de la désintégration radioactive des éléments lourds présents à l'intérieur de la planète. Ce modèle peut provoquer des émissions assez aléatoires, pas forcément en désaccord avec les fluctuations observées. Il implique un cryovolcanisme qui doit garder l'eau à l'état liquide en sous-sol, ce qui facilite sa vaporisation.

Quoi qu'il en soit, les deux mécanismes nécessitent une épaisseur non négligeable de glace, sans quoi le réservoir se serait tari depuis bien longtemps. Quand à la discrimination entre les deux hypothèses, comme le dit Christopher Russell, chercheur à l'Université de Californie , dans la revue Nature : "On n'a pas vraiment à deviner. Dans un an on sera là-bas". En effet, la sonde Dawn de la NASA, lancée en 2007, arrivera au voisinage de Cérès début 2015 pour explorer la planète naine glacée et les autres objets de la ceinture principale d'astéroïde.


Küppers M., O'Rourke L., Bockelée-Morvan D., et al. (2014) "Localized sources of water vapor on the dwarf planet (1) Ceres". Nature 505, pp 525-527.

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