Dans un article tout juste publié dans Science [Webster et al., 2013], on apprend que les dernières mesures du rover Curiosity ne détectent quasiment pas de méthane atmosphérique, s'opposant ainsi aux détections multiples effectuées durant la précédente décennie. Mais la question de la pertinence des périodes de mesures se pose.

Figure de couverture. La surface de Mars depuis le rover Curiosity. NASA/JPL/MSSS.

Le méthane atmosphérique martien

On ne sait pas trop quoi penser de cette nouvelle étude qui vient de tomber sur la quasi non-détection, par le rover Curiosity, de méthane. Ce gaz a été découvert dans l'atmosphère martienne durant la dernière décennie, à la fois par des observations orbitales et des télescopes terrestres tournés vers la planète rouge. Je vous invite à lire ma note bibliographique à ce sujet (Mars : Emanations de méthane). Pour faire court, des émanations de méthane épisodiques (10-15 ppbv, ou partie par milliard volumique) ont été détectées principalement durant l'été de l'hémisphère Nord dans certaines régions (calotte polaire nord et aux moyennes latitudes). Ce qui intrigue la communauté scientifique est la disparation systématique du méthane en pas plus de 60 jours, alors que la durée de vie de ce gaz dans l'atmosphère est connue pour être d'environ 340 ans. De plus, on ne connaît que deux processus pouvant produire les quantités de méthane observées (d'autres, moins probables, sont listés dans ma note) : Une altération des roches en sous-sol par de l'eau liquide, ou un mécanisme de respiration biologique. Il n'en fallait pas plus pour focaliser l'attention de la communauté.

Les mesures de Curiosity

Il y avait déjà quelques désaccords sur les mesures du méthane effectuées jusque là, mais il existait au moins une sorte de consensus sur l'ordre de grandeur des concentrations observées. Pour faire avancer un peu les choses, la communauté attendait beaucoup du nouveau spectromètre du rover Curiosity (Tunable Laser Spectrometer, TLS), un instrument très sensible aux variations de la composition atmosphérique. Seulement voilà, au lieu d'apporter des éléments de réponse à l'énigme du méthane martien, l'équipe de TLS jette le trouble en annonçant que très peu, si ce n'est pas du tout, de molécules de méthane ont été détectées (un maximum de seulement 1.6 ppbv) durant les saisons martiennes s'étalant de LS 195° à 340°, équivalant à l'automne-hiver Nord (LS signifiant "longitude solaire").

Des interprétations rapides d'une étude incomplète

Sur la base des résultats de Curiosity, de nombreux médias titrent sur les faibles chances de découvrir une activité biologique sur la planète rouge. C'est une conclusion très rapide que l'on peut objecter de deux façons. D'abord, on connaît beaucoup d'exemples d'organismes terrestres dont l'activité n'est pas essentiellement basée sur l'absorption ou le rejet de méthane. Mais surtout, Webster et ses co-auteurs n'insistent pas sur le fait que leur étude ne couvre pas la période de l'été Nord ( LS 150° à 170°) durant laquelle la majorité des détections ont été réalisées cette dernière décennie. Etant donné que les émanations semblent cycliques, ou du moins épisodiques, l'étude aurait gagné en pertinence si elle couvrait l'évolution de la concentration de méthane sur au moins une année martienne entière.

On peut se demander alors comment cet article qui n'apporte rien de complet au débat, si ce n'est encore un peu plus de confusion, a pu paraître dans Science. Ce n'est pas la qualité des données et de l'approche expérimentale que je remets en cause, mais plutôt le manque de pertinence et la propension à essayer de faire les gros titres avec peu de choses. Je remarque que le premier auteur, Christopher Webster du California Institute of Technology, avait déjà fait passer dans Science en juillet dernier un papier (rapporté ici) sur de nouvelles mesures de la composition atmosphèrique qui ne se révélaient être qu'une légère mise à jour de choses déjà connues.

En fin de compte, le mystère du méthane atmosphérique martien n'est toujours pas élucidé, mais les données de Curiosity pourront se révéler intéressantes... d'ici un an. J'aimerais bien également voir des mesures du spectromètre PFS sur Mars Express, actuellement en orbite, durant la même période et au même endroit que Curiosity afin de confronter ces données.


Christopher R. Webster, Paul R. Mahaffy, Sushil K. Atreya, Gregory J. Flesch, Kenneth A. Farley, and MSL Science Team (2013) "Low Upper Limit to Methane Abundance on Mars", Science 342 (6156), 355-357.

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