Mora et al. [2013] publient dans Nature un nouvel indicateur évaluant la période à laquelle les extrêmes climatiques historiques devront être considérés comme la norme. Si l'on contient nos émissions de gaz à effet de serre aux taux actuels, cette période devrait intervenir vers 2069 (± 18 ans). Dans le cas d'un non-contrôle de nos émissions, le seuil serait franchi en 2047 (± 14 ans).

Les variabilités du climat

Durant l'été 2012 la quasi-totalité de la surface du Groenland s'est mise à fondre mais, en 2013, rien d'inhabituel n'a été constaté. En France, l'hiver 2012 était froid et long alors qu'il a été enregistré comme un record de chaleur sur le reste de la planète. Ce sont des éléments isolés souvent extraits et généralisés par le climatosceptiscisme pour nourrir un argumentaire parcellaire. En réalité, la machine climatique est complexe, répondant avec différentes inerties aux variations d'une multitude de facteurs. Le résultat est une évolution temporelle et géographique instable, on pourrait dire "bruitée", avec des hauts et des bas, ce qui ne l'empêche pas d'avoir une tendance.

Lorsque les extrêmes deviendront la norme

Dans leur dernière étude, Mora et al. [2013] savent bien la difficulté de la population a accepter l'idée d'un réchauffement climatique avec de telles données qui, d'une année à l'autre, peuvent sembler contradictoire. Mais l'indicateur qu'il viennent de mettre au point nous propose de sortir la tête du sac. L'approche est très simple, il s'agit d'identifier l'année à partir de laquelle certaines variables du climat, comme la température de l'air à la surface, seront systématiquement au dessus de leurs records historiques. Bien évidemment, on ne connaît pas exactement quelles seront les températures dans les décennies à venir, mais la science à bien avancé car il est maintenant possible de faire des projections grâce aux scénarios RCP (Representative concenration pathways) qui donnent la quantité future de CO2 dans l'atmosphère en fonction de nos rejets. Ainsi, si l'on arrive à limiter nos émissions pour le siècle à venir à leur taux actuel (RCP45) , les extrêmes de températures annuelles que nous connaissons aujourd'hui deviendront la norme aux alentours de 2069 (± 18 ans). Mais ce seuil tombe à 2047 (± 14 ans) si nos rejets continuent d'augmenter au rythme de ces dernières décennies (RCP85). Bien sûr, ce sont des moyennes et je vous propose de regarder la carte mondiale çi-contre pour évaluer ces variations géographiques. On constate notamment que sont les régions équatoriales et tropicales qui seront touchées en premier avec des années de rupture situées dans les décennies 2020-2030.

Fig.1. Gauche. Année de rupture au delà laquelle les températures de l'air seront systématiquement plus élevées que les records historiques. Droite. Précisions sur ces mêmes valeurs. [Mora et al., 2013]. Note: Je suppose qu'il y a une erreur sur l'échelle de la figure de droite. Pour être en adéquation avec le texte de Nature, elle devrait s'étaller du blanc (0) au violet (20).

Chronologie de la recherche sur le changement climatique

C'est le moment de faire un petit point sur l'état de la recherche scientifique autour du changement climatique. Depuis plusieurs décennies, elle fait son bonhomme de chemin, à tel point que l'on commence à discerner un semblant de chronologie. Les années 1980-90 ont été dédiées à définir si le réchauffement climatique était réel. Ensuite, les années 2000 ont vu l'évaluation de la responsabilité humaine, chose aujourd'hui largement reconnu par la communauté scientifique comme l'atteste encore le récent communiqué de l'American Geophysical Union (AGU) rapporté dans ce blog. Les efforts se concentrent maintenant sur l'évaluation à court et moyen terme des conséquences du réchauffement en fonction de différents scénarios d'émissions. L'article présenté ici fait partie de cette nouvelle phase de recherche. Il donne des échelles de temps qui situent un impact notoire du climat aux alentour de la moitié du XXIème siècle. Liu et al. [2013] avait récemment daté grossièrement à la même période la possible disparition de la banquise arctique estivale (à lire ici). Il sera intéressant de voir si ce genre de résultats continuent de converger.

De façon intéressante, Nature rappelle que, lorsque des consensus seront trouvés sur les conséquences du réchauffement, la prochaine phase de la recherche scientifique devrait être d'élaborer des politiques, et surtout des techniques d'écoingénierie, pour les confiner. C'est la suite logique de la chronologie dont on a parlé précédemment: (1980-90) Identification du réchauffement - (2000) Détermination des responsabilités humaines - (2010) Evaluation des conséquences.

Voilà, si vous doutiez de léguer à vos enfants un monde climatiquement différent, apprenez que maintenant on peut le quantifier. Et si vous vous sentez démuni face à ces phénomènes, sachez que vous pouvez toujours jouer un rôle en sensibilisant et en éduquant vos enfants afin qu'ils soient préparés aux challenges autrement plus complexes auxquels ils auront à faire face.


Mora C, Frazier A.G., Longman R.J, Dacks R.S., Walton M.M., Tong E.J., Sanchez J.J. et al.(2013), Reducing spread in climate model projections of a september ice free Arctic, Pro. of the National Acad. of Sci. of the United States of Am. 110 (31), 12571-12576.

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